Territoires Fantômes est un recueil de 76 pages, proposant un choix de poèmes et d'illustrations sur le thème du confinement.
Extraits
L'âpre temps d'un confinement.
Sur les berges de la Seine,
on débarque des monceaux de sable,
des barges,
des tas de pierres.
Le vent sentait la mer mais la mer était loin,
d’un ciel gris comme le fleuve.
Le fleuve charriait du béton.
Décompte décès chaque jour des morts,
mensonges décompte des promesses,
sous l’oeil du cyclone d’un puits sans fond,
avec en tête des regards possédés par sortilèges
de ceux qui n’ont jamais su nous gouverner.
Dans l’azur de l’Essonne,
beaucoup d’avions traçaient leur chemin
Le temps du confinement les remise,
et l’air de l’Essonne
retrouve la diversité de ses chants volatiles.
Le soleil transperce les carreaux grumeleux
de mon espace de confinement.
Voyez le soleil me révéler par doigt d’honneur
l’imposture de notre époque.
Pour conjurer de mauvaises pensées :
je m’imagine en dessinateur confiné,
ayant taillé ses crayons bien assis sur sa chaise,
soucieux de son aise en attente d’inspiration.
Il interroge le regard des satellites,
du ciel et leurs modèles cartographiques,
entre les murs de sa prison
Qu’allons-nous devenir après tant de jours enfermés ?
Nous irons tout d’abord
nous contenter amie,
dans la presqu’île du Cotentin,
sur les dunes de Biville,
près de la petite maison fragile,
où vivait Prévert.
Nous songerons comme le poète
à des lendemains qui chantent
Le soleil grossit aux fenêtres du matin.
L’illusion quotidienne d’une révolution,
vaste parabole dans le ciel.
Parce qu’il faut penser le reconstruire,
ce monde,
dans le feu de pensées sauvages,
sauvages comme les premières lueurs du monde,
sauvages comme l’amour des enfants.
L’amour au temps du confinement.
Près des yeux trop près du coeur.
Mais mon coeur est en prison,
notre prison est écoeurée.
Un amour d’esprit contraint,
pour les besoins sans envergure
de notre sécurité.
C’est un amour dressé comme il peut,
animé de peu par le soleil.
J’ai croisé des corps citadelles,
masqués sentant le tord-boyaux.
Ils se suivaient en file indienne,
tous courbés sur leur chariot...
mais à distance
réglementaire.
Un homme vigile nous surveillait
sur le parking sans paysage.
Il n’avait pas de protection.
On s’écartait à son passage,
par soumission.
L’image me donne des idées, et je préfère
cette aventure à l’inverse.
Un jour je m’attendais moi-même...
Comme je lis trop les écrans,
moins les livres,
je commence à me méfier du langage,
de cet opéra qui nous contraint.
Ils ont même éteint les étoiles !
Mon autorisation dérogatoire,
je l’ai en poche !
Je me rendors en confiné
dans les premières lueurs du jour.
Je n’ai rien d’autre à faire.
Mes rêves sont précaires
comme tous les rêves de confinés.
Parfois je rêve d’une citadelle imprenable,
toujours je rêve d’une nature harmonieuse,
aux plis d’un domaine de saines libertés.
J’ai le souvenir d’un garde rebelle à sa tâche,
triste comme un solitaire.
Il ne paraissait vouloir réprimer
ni soutenir l’arbitraire des ordres donnés.
C’était au passage d’un cortège en colère,
cinq semaines avant le temps du confinement.
Il pliait les genoux sous le poids de ses armes.
Kic 983227 ou Covid-19 ?
L’univers ne s’est pas fait à notre image.
Nous avons donné à ce virus couronné,
comme aux étoiles récemment découvertes dans le ciel,
un nom chiffré technique et vide de sens
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