Partir à la Dérive est un récit légendaire illustré par l'auteur de 299 pages
Extraits
Cherchez l’auteur, vous n’en trouverez qu’une image. Il est celui qui croit à l’éternel retour. Les plus belles rengaines traversent les époques, comme celles de l’amour. Il veut les capturer. Elles sont mélancoliques. Il cherche à rendre hommage à de chers disparus qui ont œuvré avant lui, ou qui lui ont laissé en héritage les traits puissants de son tempérament.
L’auteur se rêvait sans nom, sans image, sans avatar, inconnu des réseaux sociaux. Son témoignage était celui d’un éternel retour, persuadé qu’il vivait et chantait des vies passées, des vies futures.
Le chant des sirènes flattait sans malice les invariants de son tempérament. Il faisait naître de douces présences dans son imagination. Bien qu’illusoires en des contrées où les gloires se perdent par avance, de telles mélodies surprises sans crier gare suffisent pour le bonheur d’une journée entière. Aucun applaudissement ne saurait s’y substituer. La renommée était a contrario fausse et bruyante comme le vacarme autour de lui.
Et si l’envie me prenait de détester les hommes et leurs images entassés dans des villes tout autour de la terre, je repartirais à la dérive sur des routes de campagne, dans l’espoir de trouver quelque désert à des milliers de kilomètres à la ronde.
Chaque obstacle rencontré le détournerait de sa trajectoire, mais il n’y opposerait aucune résistance. Les obstacles ne le gênaient pas. Il pourrait même y prendre goût, considérant que les accidents façonneraient son corps et ses amours, lui offriraient les plaisirs du détour sous sa coquille, d’une délectable lenteur. Et sa main continuait de se promener indolente sur la pierre froide et lisse.
Le jour où l’envie de lire sera de nouveau un moyen de résistance, nous pourrons rêver du paradis sur terre. Nous rêverons de mondes à venir pour nos enfants, et nous aurons l’impression d’avoir bien œuvré pour cette humanité devenue si peu fraternelle qu’elle n’entend l’harmonie qu’après les souffrances ou les tortures. — Vous avez raison, ajouta l’auteur. C’est pourquoi nous rêvons d’hommes jardiniers amoureux des prairies et des espèces de butineurs en voie d’extinction. Là est le principe de toute harmonie. — Si vous le dites. — Je le dis pour m’en persuader. Je n’ai jamais lu de livres seulement pour m’évader. Je lirais volontiers tes ouvrages, à la condition qu’ils m’invitent à réfléchir. Peu importe sur quoi. J’ai l’esprit ouvert à toute proposition.
Tu parlais tout à l’heure du hasard. Moi, je peux te dire que le hasard est une excuse à notre ignorance. C’est pourquoi je crois en l’existence d’un Dieu. Non d’un Dieu de compassion pour la souffrance des êtres vivants, mais d’un Dieu d’équilibre des forces dans l’univers. Ce mot de hasard s’utilise quand il nous manque des éléments pour identifier les causes d’un événement. Les cris de la chouette, par exemple, les grognements du sanglier que nous entendons derrière ces fourrés ont chacun leurs raisons d’être, que nous ne comprenons pas. Ils emplissent l’espace d’incantations mystérieuses. Il n’est jamais possible de prévoir ces moments étranges où un sentiment d’absurdité nous envahit.
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